La montre Marie-Antoinette
Une horloge de cathédrale dans quelques centimètres carrés
La Cote des Montres™ le 06 octobre 2008
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La montre Marie-Antoinette N°160 volée en 1983 |
Un peu d'histoire
En 1782, Breguet réalise pour la Reine Marie-Antoinette la montre perpétuelle à répétition et quantième n°2 10/82. La Reine apprécie les œuvres du maître et le prouvera durant toute son existence en acquérant bien d'autres de ses garde-temps. En 1783, A.-L. Breguet reçoit une commande étonnante et mystérieuse, émanant d'un officier des Gardes de la Reine : il s'agit de réaliser pour la Reine une montre incorporant toutes les complications et tous les perfectionnements connus à l'époque, c'est à dire toutes les complications possibles. Aucune limite n'est imposée ni en terme de délai, ni en terme de prix et partout où cela est possible, l'or doit remplacer tout autre métal…Les horlogers de Breguet se mettent au travail. Bien qu'encore au début de sa carrière, A.-L. Breguet tient à son actif quelques belles inventions, en particulier la montre perpétuelle et il est le spécialiste des montres à répétition. La montre sera donc automatique, procédé que Breguet est le seul à maîtriser totalement à l'époque ; l'automatisme, on le sait, fascine le 18e siècle et ses philosophes qui voient dans la montre une représentation miniaturisée de l'Univers.
On demande à Breguet de faire une horloge de cathédrale dans quelques centimètres carrés, le résultat sera la fabuleuse montre N° 160 dite « Marie-Antoinette» que la Reine ne verra jamais puisque après de longues interruptions, elle ne sera terminée qu'en 1827, après la mort de la Reine et celle de A.-L. Breguet.

La montre Marie-Antoinette N°1160
Il faut souligner, bien sûr, qu'il s'agit d'une œuvre collective, comme tout ce qui se fait de grand en horlogerie ; elle a mobilisé également les compétences d'une vingtaine de collaborateurs, dont, en particulier, Michel Weber, l'un des plus brillants horlogers de la maison.
Montre perpétuelle, c'est-à-dire à remontage automatique avec masse oscillante en platine, elle est dotée des fonctions et complications suivantes : répétition des minutes ; quantième perpétuel complet (indiquant le jour, la date, le mois et le cycle de quatre ans) ; équation du temps ; réserve de marche ; thermomètre métallique ; grande seconde indépendante à volonté (qui fait de la montre le premier chronographe) ; petite seconde trotteuse ; échappement à ancre ; spiral en or ; double pare-chute (antichoc). Tous les frottements, les trous et les rouleaux sont en saphir, sans exception. La montre possède une boîte d'or avec un cadran en émail blanc et un autre en cristal de roche. Le contrat initial a été largement rempli ; il s'agit de la montre la plus compliquée jamais fabriquée et elle restera pendant près d'un siècle la montre la plus compliquée au monde.
La suite de l'histoire pourrait être simple, elle ne l'est pas. Alors qu'aucune indication de vente n'est mentionnée dans les archives, la montre sort des ateliers Breguet en 1827 pour y revenir en 1838 quand le marquis de La Groye la confie pour une révision ; il semble en être alors le propriétaire. Nouveau mystère : il ne revient jamais chercher la montre et meurt sans héritier. Personne ne réclamant la montre, celle-ci réintègre le stock de la maison Breguet qui la conserve jusqu'en 1887, année où elle est cédée à un collectionneur britannique, Sir Spencer Brunton, avant d'appartenir au frère de ce dernier. Elle deviendra ensuite la propriété de Mr. Murray Mark, avant d'intégrer au début du 20e siècle la prestigieuse collection de Sir David Lionel Salomons. En 1925, à la mort de ce dernier, la « Marie-Antoinette » devient la propriété de sa fille Vera Salomons et l'aventure continue. Au cours de séjours en Israël, Vera Salomons se lie étroitement à un professeur de l'université hébraïque de Jérusalem nommé Leo Arie Mayer qui se passionne pour l'art islamique. Elle décide alors de fonder un musée d'art islamique en hommage à son mentor et ami. Elle met à la disposition de son projet toutes les collections d'art islamique qu'elle possède et choisit d'y inclure également les collections d'horlogerie occidentale héritées de son père. C'est ainsi que la « Marie Antoinette », chef d'œuvre d'horlogerie conçu à Paris par un horloger suisse pour une archiduchesse d'Autriche devenue reine de France intègre en 1974 les collections d'un musée de Jérusalem.

Nicolas Hayek avec la montre Marie-Antoinette N°1160
Neuf ans plus tard : le samedi 16 avril 1983, le musée désert et insuffisamment gardé est cambriolé et vidé de ses collections d'horlogerie ; naturellement la « Marie-Antoinette » disparaît également. Les années passent, et malgré les efforts d'Interpol, le butin reste introuvable. L'absence de la « Marie-Antoinette » fait régulièrement l'objet d'articles et d'études qui peuvent seulement constater que l'espoir de revoir ce chef d'œuvre est mince.
Désireux de pouvoir exposer dans ses musées la pièce mythique et extraordinaire qu'est la « MarieAntoinette » disparue, Nicolas G. Hayek décide en 2004 de la recréer, bien qu'il ne dispose que de quelques descriptions et plans sommaires et d'anciennes photographies en possession de la marque. C'est le début du second chapitre de l'histoire entre Marie-Antoinette et Breguet.
L'aventure continue
La montre Marie-Antoinette a donc disparu depuis plus de 20 ans. La société Breguet a retrouvé et même dépassé sa splendeur d'antan et Nicolas G. Hayek souhaite reconstruire la pièce la plus mythique de l'histoire de l'horlogerie. La manufacture Breguet retrouve des documents incomplets dans les archives, des descriptions sommaires des travaux effectués, des photographies datant des années qui précèdent sa disparition, analyse d'autres mouvements anciens qui correspondent en partie à certaines pièces de la n°160. De fil en aiguille, les ingénieurs de Breguet redoublent d'ingéniosité jusqu'à ce que des plans réalisables de la montre soient constitués et que la seconde « Marie-Antoinette » commence à être construite.À prouesse technique, somptueux atours
En parallèle, deux collaborateurs de Breguet entendent parler du chêne de Marie-Antoinette situé dans le parc du domaine national de Versailles victime des tempêtes passées et de la canicule de 2003 qui doit être abattu, à l'âge de 322 ans. Semé en 1683, le chêne avait atteint une hauteur de 35 mètres et le diamètre du tronc allait jusqu'à 167 cm. Nicolas G. Hayek envoie ses collaborateurs à Versailles afin de rencontrer le jardinier et voir si Breguet pourrait acheter un morceau du chêne de Marie-Antoinette pour lui donner une seconde vie en le transformant en un majestueux écrin pour la montre du même nom.Versailles accepte et offre le chêne à Breguet. En échange, Versailles propose à Breguet de restaurer une statue de son parc. Nicolas G. Hayek reçoit un dossier avec les possibilités de mécénat au domaine de Marie-Antoinette et préfère aux statues le financement de la restauration du Petit Trianon et du Pavillon Français, domaines privilégiés de la reine Marie-Antoinette pour un montant de 5 millions d'Euros. Breguet rend ainsi un double hommage à la Reine, en redonnant à sa montre et à son château leur splendeur d'antan.
Le chêne est emmené en Suisse, et les travaux débutent sur tous les fronts. Ebénistes pour l'écrin, maîtres d'œuvre pour le château et horlogers pour la montre, tous travaillent avec enthousiasme sur le projet « Marie-Antoinette », La montre prend vie déjà en 2007 quand, pour la première fois, son coeur se met à battre. Dès que les médias s'emparent de l'affaire, la saga de la N°160 reprend, et Nicolas G. Hayek reçoit un courrier anonyme lui proposant de racheter la montre ancienne qui aurait ré-apparu. Après quelques échanges de courriers, vérifications d'usage et discussions avec la police, Hayek refuse une transaction illégale et on apprend quelques mois plus tard que la pièce est de retour au musée de Jérusalem. Mais Breguet a, entre-temps, terminé son second chef-d'oeuvre et en avril 2008 la « Marie-Antoinette de Hayek » est enfin présentée lors du salon international d'horlogerie de Bâle, dans son écrin de reine.

La boîte de la montre Marie-Antoinette N°1160
L'extérieur de l'écrin est une reproduction fidèle du dessin particulier du parquet du Château de Petit Trianon. A l'intérieur, on y découvre une marqueterie, cachant la fameuse montre et représentant la main du célèbre portrait de Marie-Antoinette à la rose, peint par Elisabeth-Louise Vigée Le Brun en 1785. Composée de plus de mille minuscules pièces de diverses essences de bois, ce chef d'œuvre a été entièrement réalisé par un ébéniste suisse de la Vallée de Joux.
La boucle est bouclée
Après quatre ans, Montres Breguet atteint aujourd'hui la fin d'une fabuleuse aventure riche en rebondissements et Nicolas G. Hayek est heureux de dévoiler au public le Petit Trianon après les travaux de restauration rendus possibles grâce à son mécénat. La montre de Marie-Antoinette est exposée pour l'occasion dans son majestueux écrin en bois du chêne de Marie-Antoinette, dans le Château de la Reine.Marie-Antoinette, les femmes et Breguet
Les femmes célèbres, depuis plus de deux siècles, choisissent Breguet. Ne citons que Marie-Antoinette, la Marquise de Condorcet, l'Impératrice Joséphine ou Caroline Murat, Reine de Naples, qui ont été conquises par la finesse et l'éclat de ces garde-temps. Breguet a toujours mis au service de la femme sa maîtrise de l'art horloger et bijoutier joaillier.Les dernières collections de Haute Joaillerie de Breguet sont inspirées de l'univers romantique de Marie-Antoinette et de son Domaine du Petit Trianon. Elles signent une dédicace étincelante à la splendeur de Versailles et à l'élégance du Domaine de Marie-Antoinette, se faisant l'écho du mécénat de Breguet pour la rénovation du Petit Trianon.
Les décors enchanteurs du jardin anglais et ses fabriques qui s'ouvraient aux rêveries de la Reine ont inspiré des parures comme Le Temple de l'Amour de Marie-Antoinette, Le Pavillon de la Reine et Les Jardins du Petit Trianon, alors que la féminité et l'élégance de l'épouse du roi Louis XVI stimulaient les créateurs pour la parure Marie-Antoinette — Dentelle.